Stockage de l’énergie et autoconsommation
Depuis le 9 Mai 2017, un décret officialise l’autoconsommation par le biais des panneaux photovoltaïques. Il existe 3 possibilités :
- Vente totale de l’électricité
- Consommation totale
- Consommation et vente du surplus
Ce décret autorise aussi l’ajout de batteries à l’installation – remarque au passage, il est interdit en France de posséder un parc de batteries sans installation photovoltaïque dans le but de spéculer (cette méthode n’est de toute façon pas rentable). Cependant, est-ce que l’ajout d’un moyen de stockage est une solution rentable ?
Un contexte favorable
Si de plus en plus de foyers optent pour l’autoconsommation (40 000 installations pour un total de 143 MW installés au 1er janvier 2019[1]) c’est pour sa rentabilité. Outre une aide financière de la part de l’état répartie sur 5 ans lors d’une installation de PV pour une autoconsommation, le prix d’achat du kWh ne cesse d’augmenter (courbe verte de la Fig. 1). Ce dernier va continuer d’augmenter avec les intégrations des EnR et l’entretien du parc nucléaire.
Fig. 1. Prix de vente et de rachat d’un kWh – Source Eurostat
Mais un décollage à l’horizon 2025 pour l’autoconsommation
Cependant, d’après une étude prospective [2] l’autoconsommation n’est actuellement rentable que pour des projets ayant de grandes toitures et des taux d’autoconsommation élevés (avoisinant les 100%) – aujourd’hui le coût annualisé d’une autoconsommation est de l’ordre 190€/kWc/an. Pour le secteur résidentiel, l’opération sera rentable à l’horizon 2025 (2023 pour le Sud de la France et 2030 pour le Nord). D’après RTE [3], 3,8 millions de foyers pourraient être sous contrat d’autoconsommation à l’horizon 2035 contre 15 000 aujourd’hui (représente environ 10 GW de PV).
Et 2030 avec l’ajout de batteries
D’après RTE [2], en fonction des scénarios, la capacité, de batteries domestiques, installée pourrait varier de 1 à 10 GWh.
L’intérêt d’une batterie permet au consommateur d’installer une quantité plus importante de PV tout en augmentant son taux d’autoconsommation. D’après l’Ademe, ce dernier varie entre 20 et 50%. Tout dépend des habitudes des consommateurs. Cette part d’autoconsommation peut atteindre facilement 70% en ajoutant des batteries de l’ordre de 2 à 6 kWh.
Cependant cette solution n’est actuellement pas rentable pour le consommateur. En effet, d’après la commission Européenne, le coût du kWh des batteries pour l’application résidentielle avoisine les 750€/kWh[3]. Mais le plus important n’est pas l’investissement de départ mais le coût de production d’un kWh par la batterie (pour le comparer au prix d’achat d’électricité). Il est difficile de calculer ce coût car tout dépend de la performance de la batterie (batterie neuve ou non, emplacement, nb de cycles, profondeur de décharge…) et du coût de son installation. Cependant, on peut estimer que le coût de revient se situe aux alentours de
0,20€/kWh (batterie neuve fonctionnant sur 10 ans). Ce prix étant à la croisée du tarif d’achat (Fig. 12), ce n’est pas encore intéressant en France. En revanche, certains pays d’Europe le font déjà, notamment au Danemark ou le prix de l’électricité avoisine les 30cts/kWh TTC + prélèvements (Source – Eurostat).
Néanmoins, il est important de ne pas considérer que l’aspect économique. De plus en plus de consommateurs souhaitent consommer de l’électricité verte et de manière locale. On pourrait aussi favoriser la vente des batteries de 2nd vie spécifiquement pour le stockage stationnaire domestique afin de prolonger de 3 à 7 ans la durée de vie des batteries issues des voitures[2].
Avec l’apparition d’un frein ?
Pour un autoconsommateur, l’économie sur la facture est possible grâce aux taxes et à la redevance d’accès au réseau (TURPE). Chacun représentant 1/3 de la facture. Or l’économie sur cette facture ne correspond pas forcément à la même économie pour la collectivité et les fournisseurs. Ainsi, il a été chiffré par RTE, en 2030[2], que la perte nette serait de 120€/an pour l’état, de 70€/an pour les fournisseurs et de 75€/an pour les gestionnaires de réseaux. Ainsi, tous ces surcoûts devront être compensés par les utilisateurs afin de maintenir le bon fonctionnement du réseau (17€/an supplémentaire pour les foyers n’étant pas sous contrat d’autoproduction).
Cependant, ces chiffres peuvent être revus à la baisse si :
- Les capacités d’autoconsommation sont déduites des objectifs de développement du photovoltaïque de l’état et des collectivités (on réduit le nombre de projets de production de fermes).
- Le développement de l’autoconsommation se substitue à d’autres filières de production renouvelable et/ou thermique.
Combiner mobilité électrique et autoconsommation ?
Le couplage d’une voiture électrique avec une installation photovoltaïque apparaît séduisant pour de nombreux consommateurs d’un point de vue écologique. Cependant, il est nécessaire que ce dernier puisse placer la recharge de leur véhicule aux heures de production. Les salariés rentrant chez eux lors de leur pause méridionale peuvent ainsi augmenter leur part d’autoconsommation (15% des trajets domicile travail). Cette part peut être augmentée avec le vehicle-to-home (V2H) et la recharge pilotée (de 85% à 90% d’autoconsommation au lieu de 67%). D’après RTE, les VE sont susceptibles d’augmenter la puissance des installations d’autoconsommation de l’ordre de 1 à 2 GW à l’horizon 2035.
Les VE sont aussi susceptibles de remplacer les batteries stationnaires au regard de leur capacité (environ 44 kWh pour les VE aujourd’hui et 2 à 6 kWh pour les batteries stationnaires). Mais, il ne faut pas en faire une priorité au risque de favoriser l’augmentation de la capacité des batteries des voitures.
Et le stockage via eau chaude ?
Le solaire thermique est aussi une excellente solution d’autoconsommation. Car d’après l’ADEME [4], 72% de l’énergie consommée par un foyer provient du chauffage et de l’eau chaude sanitaire. Il est donc plus judicieux d’installer un chauffe eau solaire plutôt que d’installer un chauffe électrique fonctionnant avec des PV (Au moins pour les nouvelles maisons). D’autant plus que cette technologie est aussi compétitive en terme de production [5]: de 0,156 à 0,456€/kWh pour le thermique et de 0,164 à 0,407€/kWh pour le photovoltaïque en 2016.
Références :
[1] « Enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique », RTE, 2019.
[2] « Bilan prévisionnel – de l’équilibre offre-demande d’électricité en France », RTE, 2017.
[3] N. Lebedeva, D. Tarvydas, I. Tsiropoulos, European Commission, et Joint Research Centre, Li-ion batteries for mobility and stationary storage applications: scenarios for costs and market growth. 2018.
[4]« Chauffer son eau et sa maison avec le soleil », ADEME, Agir, 2016.
[5] Marie-Laure Guillerminet, David Marchal, et Raphaël Gerson, Yolène Berrou, « Coûts des énergies renouvelables en France », ADEME, 2016.
Cet article est issue d’une synthèse faite par mes élèves HEI5 ESEA dans le cadre de leur projet Etude et Recherche. La synthèse complète avec un état de l’art et une propective sur le stockage de l’énergie électrique est disponible ICI.